1. Le cyclisme en pointillés
Bonjour Pierre ! Tu es, je crois, licencié au VS2M depuis 2022. Mais sauf erreur de ma part tu n’es pas originaire de Metz c’est bien ça ?
Effectivement je ne suis pas originaire de Metz, j’habite à Bezange-la-Petite en Moselle, à proximité de Dieuze. C’est dans cette même commune que j’ai pu réaliser mes années collège. Pour le lycée, j’ai opté pour l’internat à Sarrebourg, afin d’y obtenir un Baccalauréat scientifique, spécialité sciences de l’ingénieur. J’avais d’ores-et-déjà en tête de rejoindre l’ENIM à Metz, c’est mon souhait depuis toujours de travailler dans un bureau d’études et de faire de la conception, alors mon parcours s’est tracé assez simplement et m’a guidé vers la capitale Mosellane. Jusqu’à mes 18 ans donc, je n’avais jamais vraiment mis les pieds à Metz.
Alors tu as atteint ton objectif puisque je crois que tu es actuellement étudiant à l’ENIM, et donc un vrai Messin depuis quelques années ?
Tout à fait, je suis en 4e année d’école d’ingénieur à l’ENIM. Voilà donc quatre ans que j’étudie à Metz. Je viens de terminer un stage que j’ai pu réaliser dans une entreprise au Luxembourg à Bettembourg, et ainsi commencer mes premières études pratiques d’ingénierie, dans la conception de structures métalliques pour ce stage. Idéalement, j’aimerais pouvoir mettre à profit mes compétences au sein du domaine du vélo, mais qui sait, le métier d’ingénieur est tellement complet… !
Certes tu es devenu Messin, mais dis-nous surtout comment tu es devenu cycliste alors !
Et bien cela s’est fait tout naturellement d’abord par mon père passionné de cyclisme, puis par ma sœur de six ans plus âgée qui s’est lancée dans la compétition, il n’en a pas fallu plus pour que je m’y mette moi aussi. J’ai donc commencé quand j’étais en classe de 5e, je me suis inscrit dans un club cyclosportif et j’ai participé à quelques courses UFOLEP lors de mes années minime/cadet. Je n’avais pas du tout le niveau et n’ai réussi qu’à tenir une seule fois le peloton, c’est pour dire.
Mais si tu es là aujourd’hui, c’est que tu n’as pas rendu les armes dans ta jeunesse…
Effectivement, quand j’étais au lycée j’ai continué le vélo, j’étais inscrit au club de Sarrebourg en Junior, mais je pédalais encore de temps en temps avec mon père et c’est lors d’une de nos sorties que j’ai découvert l’existence du VS2M.
Mon père roulait sur son vélo de route et moi sur mon VTT, je n’avais que ça à disposition. Un vélo fluo était derrière nous et je le voyais revenir sur nous. Je n’avais qu’une chose en tête… qu’il ne nous revienne pas dessus, alors j’ai pédalé fort. Malheureusement le vélo fluo nous a rejoint et j’ai discuté avec le jeune homme qui était dessus. Je lui ai dit que je voulais faire de la compétition en Open 2-3, il m’a prévenu que ça allait être dur. Il m’a dit pendant notre échange qu’il roulait au VS2M. Cette discussion m’a motivé à me mettre sérieusement au vélo.
2. Le pied à l’étrier
Tu n’étais pas encore étudiant et tu n’as rejoint le club qu’en 2022, que s’est-il passé entre temps ?
Et bien j’ai tout d’abord commencé mes études supérieures, comme prévu et comme espéré, à l’ENIM de Metz. J’étais donc Messin mais pas encore suffisamment cycliste à mon goût. J’ai voulu commencer sérieusement le vélo en 2e année d’études, malheureusement je me suis distendu les ligaments du genou en ski.. ça n’a fait que reporter cette échéance d’un an encore.
En 2022, je me suis alors décidé à intégrer le club du VS2M, celui d’un certain routard au vélo fluo, d’un certain Florian Locks. J’ai démarré sérieusement les entrainements et entrepris quelques sorties avec le club pour m’intégrer.
Toi qui voulait faire de la compétition, quand as-tu commencé les courses ?
Je n’ai fait qu’une seule compétition sur route en 2022, à Remiremont. J’ai pris une grosse cartouche sur ce critérium, en 20 minutes c’était plié. A vrai dire, ça m’a un peu dégouté. Alors après cette course, dès septembre, je me suis dit que je n’avais qu’une seule chance pour atteindre mes objectifs, tenter le tout pour le tout. J’ai commencé à rouler assidument, 4 à 5 entrainements par semaine. Et puis pour ne pas attendre le printemps suivant pour faire de la compétition, je me suis inscrit à des cyclocross, j’étais inspiré par Van der Poel et Van Aert… alors je me suis dit que c’était un bon moyen pour progresser !
Le cyclocross comme point de départ en somme, en quoi cela t’as aidé dans ta progression ?
Rouler en peloton pendant les courses me stressait un peu, alors l’étape cyclocross m’a déjà permis de prendre confiance sur le vélo et relativiser les situations de courses où il y a embouteillages et promiscuité avec les autres compétiteurs.
J’ai commencé donc par Soetrich (casse de chaine), puis Bellecroix 20e/28, Golbey 30e/30, Montois 11e/19 et enfin Wurzel 21e/29 ; toujours sur mon VTT. Techniquement je me faisais manger dans les virages, je ne me sentais pas très en jambes pendant les courses mais j’ai remarqué avoir finis une fois juste derrière un certain Lilian (il s’agit de Lilian Tetart). J’ai donc fait des recherches sur lui et au vu de ses résultats sur route, je me suis dit que finalement mes jambes ne devaient pas aller si mal que ça.
A ce moment, je ne savais même pas que Lilian était en fait à l’ENIM dans la promotion au-dessus de moi… comme quoi le monde est petit !
Le cyclocross t’as donc permis de te mettre dans le bain de la compétition et de te rassurer c’est ça ?
Exactement, c’est la meilleure chose que j’ai pu faire en 2022. Au revoir la boule au ventre sur les préparation de course, j’étais rodé sur comment aller chercher un dossard, à quelle heure arriver sur les lieux de la course, comment m’échauffer, avoir toujours le nécessaire pour avant, pendant, après la course. J’étais logistiquement prêt !
Et puis d’un point de vue performance, ça met en confiance de savoir qu’on tient une heure à bloc… alors je me sentais prêt à me relancer sur route !
3. Avaler le bitume
On connaît tes premiers podiums sur route au printemps 2023… comment y es-tu parvenu ?
J’ai maintenu mon volume d’entrainement à 4-5 sessions par semaine, c’était déjà un point primordial pour évoluer rapidement. Ensuite j’ai tenté de structurer mon entrainement, d’abord seul en faisant quelques recherches sur internet. Ensuite, Jean-Denis m’a aiguillé vers Florian qui a su me donner une première structure et des exercices types.
J’ai alors embrayé sur ma première course en mars 2023 à Erstein. C’est là que j’ai senti que le résultat n’était pas loin. Certes je termine dans le peloton mais j’ai pu être acteur de la course, attaquer, participer au groupe de contre, malheureusement repris à 700 mètres de la ligne. C’était encourageant, car c’était somme toute une course Elite !
Et c’est suite à cette course que le maillot VS2M a brillé devant ?
Exactement, 2e course à Golbey où je fais podium en Open 2-3. Je réalise toute la course en échappée et suis déçu de me faire battre au sprint. Ma gestion n’était pas encore au point, l’alimentation et l’hydratation pas au top ont participé aux crampes prématurées pour espérer la victoire au bout.
Une fois cet enseignement tiré, tout m’a souri : je gagne à Buzy en remportant le sprint de l’échappée, je lance trop tôt mais il y a peu de concurrence au sprint et les jambes sont fraiches, je m’étais bien caché sur la course. Tout de suite après à Montigny-le-Roi, je courre à contre-temps mais les jambes m’ont permis chaque fois de revenir dans le coup et d’emporter la victoire.
Deux victoires, un passage obligatoire en Open 1… et le maillot distinctif ?
Cela s’est décidé sur la course Elite de Sarreguemines où se jouaient les titres départementaux. En finissant 20e de cette course Elite, j’endosse le maillot de champion de Moselle Open 2. Florian Locks qui m’a accompagné sur le vélo sur tous ces premiers succès m’a ensuite parlé de son entraineur avec qui j’ai pris contact.
La suite de la saison s’est déroulée en open 1 et Elite alors difficile de briller. J’essayais de toujours me montrer pour animer la course mais cela s’est toujours soldé par une place dans le peloton. En tout cas, je commençais à croire que j’avais trouvé ma place sur le vélo et que les efforts payaient vraiment !
4. Un entraineur, une structure, des projets d’avenir
Et tu vois déjà des résultats à avoir un entraineur ?
Oui, cela m’a déjà permis d’aborder la fin de saison 2023 rassuré. Et puis il est clair que cela me permet d’évoluer plus rapidement que si je devais gérer ça tout seul. Je peux me concentrer sur ma préparation, mes entrainements, la performance… alors même si cela à un coût, cela en vaut la chandelle.
Les résultats de mes tests sont déjà encourageants à l’aube de la saison 2024 et je n’aurais jamais pu évoluer si vite seul. C’est aussi important d’avoir un professionnel qui vous suit pour éviter les blessures ou bien les traiter le plus rapidement possible, corriger des postures, travailler les points faibles, etc.
Maintenant, parles-nous de ton projet 2024… une équipe de Division Nationale et un statut Elite ?
J’ai toujours eu le souhait de rejoindre une équipe de Division Nationale, encore plus après ma victoire à Montigny-le-Roi. J’ai hésité entre plusieurs structures, à savoir les Macadams Cowboy, l’ASPTT Nancy et U23 Cycling Project que j’ai finalement intégré.
Les Macadams ayant disparus, ma décision a dû se faire entre deux. J’avoue avoir eu un peu peur d’être avalé par une grosse structure comme celle de l’ASPTT, d’y ressentir une certaine pression et d’être dans l’obligation d’être au service de quelqu’un.
U23 Cycling Project est pour moi le très bon compromis car il me permet de rester au VS2M et de garder la tête sur les épaules et les pieds sur terre. Je ne sais pas si j’ai le niveau pour aller plus haut, on peut toujours avoir peur de faire un gros flop. Cette solution me permet de jouer avec les grands en DN3 tout en grimpant les échelons un par un.
Quelle est la spécificité de cette DN3 alors, car vous êtes issus de plusieurs clubs non ?
Exactement, c’est un interclub qui a vu le jour en Alsace et est initialement une pépinière pour jeunes coureurs Alsaciens. Sarreguemines avait déjà rejoint cette entente et cette année c’est Metz Métropole qu’y rentre à son tour en me fournissant comme coureur.
Le point important est que j’ai l’opportunité de faire partie de l’effectif principal, donc être aligné sur les plus grosses courses. Sur les courses Elite Nationale, j’endosserai le maillot de DN. En revanche sur les courses régionales, je courre pour mon club (sauf exception).
Sur les courses nationales pour lesquelles il faut des invitations, je courrais avec l’effectif des U23 Cycling Project, et sur les courses régionales avec les copains et coéquipiers du VS2M… le compromis parfait pour allier plaisir ,compétition et ambition !
Cette nouvelle dimension doit changer beaucoup de choses pour toi ?
Effectivement, déjà j’ai le plaisir de participer à un nouveau groupe de jeunes coureurs. Ce n’est pas évident de pouvoir rouler avec les autres membres de la DN alors les week-ends cohésions sont très utiles pour ça, apprendre à connaître ses futurs coéquipiers surtout !
D’un point de vue encadrement, je pourrais bénéficier d’un coach au sein de la DN mais il ne peut pas prendre beaucoup de coureurs. Je me sens bien avec mon entraineur actuel alors je continue avec lui.
Sur l’alimentation je ne fais rien de particulier et sur l’aspect préparation mentale non plus… mais peut être que ça viendra. Le gros changement indispensable était le changement de vélo.
Tu as voulu opter pour une machine plus performante ?
Pas exactement, j’ai surtout voulu avoir mon propre vélo et ne pas devoir emprunter celui de mon père ! Il me le prêtait généreusement jusqu’à maintenant mais je ne pouvais pas continuer comme ça et pas avec ces ambitions. Et puis un vélo, ça s’use beaucoup avec ce volume d’entrainement et ses courses.
Alors je me suis équipé d’un vélo à mes frais, un beau trou dans le budget mais nécessaire pour aller de l’avant ! Et pour le home trainer, j’ai eu la chance de rencontrer la bonne personne qui a su m’aider à en avoir un…merci à Daniel S ! Les gens peuvent être généreux !
J’ai hâte de connaître les futurs sponsors de l’équipe car indéniablement, ce sera un soutien pour vivre pleinement ce sport qui n’est pas toujours abordable !
Alors en somme tu as tout ce qu’il te faut pour aller de l’avant et montrer la voie à d’autres ?
La dernière étape, c’était la licence Elite. Et pour cela, c’est le VS2M que je dois remercier et en particulier Nicolas Claudon, qui a su m’aiguiller dans ce projet de DN depuis le début, qui a su me guider dans mes choix.
Financièrement c’est un super coup de pouce de la part de mon club, et humainement, c’est génial d’avoir pu être épaulé dans ce saut vers l’inconnu.
Pour ce qui est de montrer la voie, le point très positif est qu’aujourd’hui, le lien entre l’équipe U23 et le VS2M est créé, la passerelle est ouverte, et si de jeunes souhaitent percer, cela se fera surement plus facilement à présent. C’est comme si on devenait une pépinière de cette équipe.
Et qu’est-ce qui te plaît au final au VS2M ?
Je suis toujours resté au VS2M pour être libre de ce que je voulais faire. Avec cette option de DN3, je peux voir plus grand sans renoncer à mon club, alors aucune raison de partir. Et puis ici au VS2M, je ne me suis jamais senti l’intrus parce que je ne venais pas de Metz. Je me rappelle l’avoir dit à mes parents, et je pense que Florian y est aussi pour quelque chose.
Des conseils pour les plus jeunes ?
La clé pour développer le club et un bon collectif en compétition, c’est d’emmener les juniors sur les courses. Les plus expérimentés du club peuvent guider les plus jeunes. C’est ça qui m’a fait progresser très vite, avoir quelqu’un qui me dit quand me placer, qui me rassure sur le bon moment pour attaquer, qui m’indique quand c’est plus sage de se planquer… il faut motiver les jeunes, mais les guider et leur transmettre par l’intermédiaire des compétiteurs expérimentés.
Si quelqu’un rêve de réussir… je peux lui dire qu’en minime, cadet, junior, je me faisais écraser même si je roulais bien. La seule chose qui a changé, c’est un entrainement assidu et régulier.
Un mot de la fin ?
J’ai adoré montrer le maillot de mon club… mais je dois avouer que j’ai dû jongler entre le prêt d’un coupe-vent et l’ancien maillot que m’avait trouvé le club ! Le coût du maillot brut (car aucun sponsor dessus et car produit de qualité), c’était un peu cher pour moi au début quand je devais encore utiliser le vélo de mon père ! Mais je crois savoir qu’il y a pour projet de le rendre un peu plus abordable pour les jeunes compétiteurs et de donner un coup de pouce alors… laissons parler l’avenir !